ITW – Nina Kanto : « Le handball est précurseur sur beaucoup de sujets fondamentaux »

 

Kanto_nina_04_Pillaud-2

Nina Kanto en 2016 sous les couleurs du Metz Handball (photo : S.Pillaud)

 

À l’occasion de la journée internationale du sport féminin et de la semaine olympique et paralympique, nous sommes allés prendre des nouvelles de Nina Kanto, qui prendra la direction du centre de formation du Metz Handball à partir de la saison 2022-23. Figure emblématique du handball féminin français, retraitée des parquets depuis 2016, l’ancienne capitaine des Dragonnes et internationale tricolore est revenue sur son actualité, son rôle au sein de la Commission des athlètes de haut niveau (CAHN) du CNOSF (Comité National olympique et sportif français), sa reconversion, le Metz handball etc. Entretien. 

 

Tu sièges depuis 2021 au sein de la Commission des athlètes de haut niveau du CNOSF. Peux tu nous expliquer le rôle de la CAHN et tes missions au sein de cette commission ? 

Chaque Fédération est représentée par deux membres au sein de la CAHN, en général par une femme et un homme. Il faut avoir disputé une olympiade depuis Londres pour intégrer cette commission.  Nous avons des réunions de planifiées tous les deux mois, et nous travaillons par groupe avec des thématiques différentes. Je travaille par exemple sur des sujets liés aux sportives comme la grossesse. Le handball a d’ailleurs été précurseur sur ce sujet avec les accords collectifs signés, qui protègent les sportives qui souhaitent être enceinte pendant leur carrière. La principale mission de la CAHN est de travailler pour les athlètes. Les contrats juridiques, la reconversion, les droits des femmes… Nous essayons de faire avancer ces sujets à notre échelle, avec l’appui de nos présidents qui nous représentent auprès des instances du CNOSF. 

 

Que représente cette fonction au sein de la CAHN pour toi ? 

C’est un honneur et une fierté. Nous échangeons beaucoup avec les autres membres sur nos Fédérations respectives, et je me rends compte que la FFHandball est précurseuse sur beaucoup de sujets. Nous avons souvent tendance à nous plaindre, et quand tu regardes autour, tu prends conscience que le handball a beaucoup avancé, sur des valeurs qui sont fondamentales. Et puis j’aime beaucoup le partage qu’il y a entre les athlètes. La fin d’une carrière est toujours compliquée, on parle d’une « petite mort », nous avons tous vécu des épreuves compliquées, et tu as toujours tendance à croire que tu es seule à vivre ça, mais finalement quasiment tout le monde se retrouve dans cette situation. Échanger avec des personnes qui ont vécu les mêmes choses que toi, ça facilite la reconstruction. J’ai pu découvrir le fonctionnement d’autres disciplines, et c’est quelque chose de très enrichissant. Il y a un vrai esprit d’équipe, et on se sent beaucoup plus fort tous ensemble. 

 

« FAIRE SORTIR DE L’OMBRE CETTE COMMISSION QUI EST TRÈS PEU CONNUE DU GRAND PUBLIC »

 

Ton mandat au sein de la CAHN a débuté en 2021 et se terminera en 2025, un an après les Jeux Olympiques de Paris 2024… 

C’est génial de vivre cette expérience pendant cette période. L’objectif est de faire sortir de l’ombre cette commission qui est très peu connue du grand public. Je ne connaissais pas la CAHN avant de l’intégrer, et c’est la judokate Gévrise Émane qui m’a motivé à la rejoindre. Nous avons un petit peu de notoriété, et nous voulons la mettre à profit de nos actions au sein de cette commission. Je pense que notre parole à de la valeur, et nous avons un grand respect des générations de sportives et de sportifs qui sont en carrière. C’est bien de se plaindre, mais c’est encore mieux de faire avancer les choses dans le but de les améliorer. Nous en avons la possibilité avec la CAHN, et c’est un privilège et un devoir de faire progresser les choses pour les générations futures. 

 

Quelles ont été tes activités professionnelles suite à la fin de ta carrière avec le Metz Handball en 2016 ? 

La période juste après la fin de ma carrière sportive n’a pas été simple. On n’appelle pas cela « la petite mort » pour rien… Cela faisait 20 ans que je faisais du sport de haut niveau, et psychologiquement cela n’a pas été simple d’arrêter. Tout est planifié quand tu es sportive, et d’un coup tu te retrouves sans programme. Thierry (ndlr Thierry Weizman, Président du Metz Handball) m’a proposé de travailler pour la communication du club. J’ai aimé faire ce boulot qui m’a permis de garder une certaine proximité avec le groupe. Mais la contrainte c’est que ce poste n’est pas fait pour quelqu’un avec deux enfants en bas âge. Il faut donner sans compter. J’avais beaucoup de plaisir à donner pour mon club, mais j’avais déjà fait des sacrifices pendant ma carrière par rapport à mon premier enfant, et je m’étais toujours dit que je profiterai au maximum du second. Nous avons donc fait une rupture conventionnelle avec le club, et derrière j’ai cherché un travail plus « adapté » pour les enfants. J’ai rejoint Belgatrans, une société de transport qui m’a offert un beau challenge. Pour moi le sport est une passion, et dans cette entreprise, je me suis retrouvée devant une feuille blanche à écrire. J’avais besoin de sortir du cadre sportif, et montrer que j’étais capable de faire autre chose, et d’être reconnue et valorisée dans d’autres domaines que le handball. Pour le coup, j’ai vraiment découvert un nouvel environnement, et ça c’est très bien passé, jusqu’à l’arrivée du COVID. J’ai vécu une expérience humaine fantastique dans cette entreprise, et ça m’a beaucoup apporté. J’ai ensuite rejoint SAEml Metz TECHNO’POLES, avec qui j’étais chargée des relations partenariat. Un travail très intéressant, mais humainement, ça n’a pas été simple. On m’a donné l’impression de prendre trop de place. Après cette expérience, j’ai décidé de me lancer à mon compte en tant que conférencière et coach en entreprise. Une vraie renaissance pour moi, et un gros challenge avec l’envie de transmettre mes valeurs. 

 

Kanto

 

En parallèle, tu n’as pas tardé à retrouver l’ambiance des gymnases… 

J’ai pris en main l’équipe féminine de Montigny-lès-Metz qui évoluait en pré-nationale et nous sommes montées en Nationale 3. Quand j’ai débuté cette expérience sur le banc, j’ai appelé la Fédération pour savoir si j’avais droit à des équivalences suite à mon parcours. C’est Laurent Frécon qui m’a motivé à m’inscrire à la formation de Titre V pour les entraîneurs. Je ne regrette pas de l’avoir écouté, car c’est grâce à ça que j’ai pu prendre en charge les U17 France du Metz Handball cette saison.

 

« J’AI EU L’OCCASION DE REJOUER QUAND NOUS AVONS EU DES BLESSÉES DANS L’ÉQUIPE »

 

Comment est-ce que tu t’es retrouvée sur le banc de Montigny-lès-Metz ?

Quand je jouais encore à Metz, j’avais déjà eu l’occasion d’animer des séances dans des clubs amateurs et je prenais du plaisir dans cet exercice. Je suis très contente d’avoir débuté sur le banc à un niveau pas trop élevé. J’avais l’expérience du terrain en tant que joueuse, mais je n’avais pas la formation. Et cela m’a permis de commencer en douceur, sans griller les étapes. Je me suis prise au jeu, et j’ai même eu l’occasion de rejouer quand nous avons eu des blessées (rires). Je n’aime pas perdre, et j’ai joué les derniers matchs de la saison en pré-nationale avant la montée. Il y avait pas mal d’engouement à chaque fois que nous nous jouions à l’extérieur, et nous avons vécu des moments forts avec les filles. Il y a eu une belle effervescence, et je suis contente d’avoir pu mettre un peu de lumière sur des clubs amateurs. 

 

Tu diriges cette saison les U17F du Metz Handball, et tu seras à la tête du centre de formation des Dragonnes la saison prochaine.

Quand Thierry m’a proposé ce poste, je ne m’y attendais absolument pas. J’avais trouvé un équilibre entre mes activités professionnelles et ma vie de famille, et je me suis posée des questions quand j’ai eu cette opportunité. J’ai eu un temps de réflexion, mais quand on m’a parlé de prendre en charge le centre de formation du Metz handball, mon coeur s’est emballé. Je n’avais jamais imaginé occuper cette fonction, et il y a forcement de la pression. Mais j’aime les challenges, j’aime relever des défis, et c’est une occasion en or. Après avoir pesé les pour et les contre, je n’ai pas hésité longtemps. J’ai eu la chance d’accompagner Clément sur le banc du centre de formation cette saison, et j’ai pris énormément de plaisir. Ce n’était pas prévu qu’il parte maintenant, et c’est peut être un signe du destin pour moi. C’est un gros défi, je vais devoir terminer ma formation plus rapidement, mais c’était tout simplement impossible de dire non. J’ai l’humilité de dire que je dois encore être formée pour le réussir, mais je vais y mettre toute mon énergie. J’ai un historique tellement fort avec ce club, c’est une belle histoire.

 

Quel regard as-tu sur les performances du Metz Handball, qui s’impose aujourd’hui comme une référence sur la scène européenne ? 

C’est grandiose. Ce que réalise le club depuis 2016 c’est tout simplement exceptionnel. Metz fait aujourd’hui partie des plus grands clubs européens. C’est actée, c’est ancré et ce n’est pas épisodique. Quand j’assiste à leurs entraînements, j’ai presque envie de remettre les baskets (rires). Le handball a évolué, et Metz a été précurseur dans cette évolution. Les joueuses changent peut être plus qu’avant, mais l’identité est toujours la même avec de l’humilité et du travail, beaucoup de travail. L’encadrement s’est professionnalisé, et les joueuses évoluent dans un environnement qui leur permet de performer. La LFH a pris de la grandeur, des internationales étrangères de très niveaux sont venues jouer en France, et ça a permis de faire évoluer le niveau. Il y a une vraie densité au sein du championnat qui est plus relevé qu’à une certaine époque, avec un niveau plus homogène. Je pense que cela a eu des répercutions positives sur les résultats de l’équipe de France. 

 

B.D